Bonjour à tous !

Contrairement à l’anime que j’ai critiqué la semaine dernière, vous allez vite comprendre à quel point et pourquoi j’ai une dent contre la série que je vais critiquer cette fois-ci : 13 Reasons Why (avec une semaine de retard, veuillez me pardonner TT)

Je n’ai pas eu le courage de me refaire les 4 saisons de la série pour faire cette critique, mais j’ai dû revoir la saison 1 que j’ai vu il y a de cela 4 ans, quand j’étais totalement dans le public visé, avec la conscience que je pouvais avoir à 14 ans. Pour le reste, je me suis contentée de lire l’article Wikipédia de la série et quelques résumés des épisodes pour me rafraîchir la mémoire.

En regardant la série pour la première fois, je l’avais beaucoup aimé en me disant qu'elle servait à mettre sur la table des sujets sérieux dont on devrait parler plus souvent et sur lesquels il y a un vrai travail de sensibilisation et d’information à faire. Ayant moi-même pu passer par une période assez sombre et ayant vu plusieurs de mes amis y passer aussi au moment de la sortie de la saison 1,  je me suis dit que ça ne pouvait être qu’une bonne chose que la série soit aussi populaire.

Et pourtant, de la saison 1 à la saison 4, elle a réussi à être la pire chose que l’on pouvait faire au travail d’information et de sensibilisation aux maladies mentales et toutes sortes d’autres sujets sensibles, et c’est exactement ce qui me pousse à écrire une critique aussi longue là-dessus.

/!\ En tant que review, cet article contient bien évidemment des spoilers /!\

TW: Cette critique évoque des thèmes sensibles évoqués dans la série, à savoir le suicide, le viol, le harcèlement, l’addiction, les maladies psychiatriques et les IST.

Je m’attaque tout de suite aux trois problèmes majeurs que j’ai avec la série.

La glamourisation du suicide

Le premier problème, que l’on retrouve notamment dans les saisons 1 et 2, c’est le message que la série fait passer, même de manière involontaire, quant au suicide. Tout au long de la série, le suicide est présenté comme une solution à tous nos problèmes quand personne ne nous comprend, et comme la meilleure des vengeances.

Premièrement, il est clair que les cassettes, et par extension la mort d’Hannah, affectent profondément les protagonistes qui l’ont fait souffrir, Hannah n'est donc pas morte en vain et a accompli sa mission de « vengeance » à travers le suicide… Il y a même une saison 2 pour montrer l’impact à long terme de sa mort : les gens ne changent et ne comprennent Hannah qu’après son suicide en se rendant compte des conséquences de leurs actes. Alors certes, on peut dire que le message principal est qu’il faut être bienveillant les uns avec les autres et que tout peut faire mal sans que l’on s’en rende compte, ce qui est un bon point, mais montrer le suicide comme un moyen (voire le seul moyen) d’atteindre cet idéal et de secouer les consciences, c’est totalement inconscient vu le public visé, et la facilité d'interpréter les choses comme ça. Deuxièmement,  la scène extrêmement graphique n’avait pas lieu d’être montrée dans la saison 1, mais j'y reviendrai plus tard. Troisièmement, le fait de faire passer le message qu’aucun adulte ne cherchera à vous écouter, encore moins à comprendre vos problèmes, et qu’ils chercheront seulement à vous espionner pour « tenter de vous aider » (saison 4). Encore une fois, on peut justifier ça par le besoin d’un réalisme discutable (qu’on essaie pas de me faire croire qu’aucun adulte n’aurait riposté face aux méthodes d’espionnage proposées par le lycée dans la saison 4…), mais au prix de quoi ? Faire passer le message qu’il n’y a aucun espoir dans la détresse et qu’il est impossible d’ouvrir le dialogue avec les adultes qui ne feront qu’empirer vos problèmes et votre mal-être ?

Avec ce cocktail de messages douteux, on se retrouve avec un suicide glamourisé bien comme il faut, qui conforte les personnes s’identifiant à Hannah dans l’idée que le suicide est la seule option qu’il reste lorsqu’on se retrouve dans une situation similaire. Et c’est quelque chose qu’on ne peut pas se permettre de faire quand le public visé est généralement dans un âge vulnérable, potentiellement fragile mentalement. La plus grande attention devrait être portée à l’interprétation que ce public pourrait faire dans ce cas, les répercussions ne peuvent être que trop dangereuses. Je ne vais pas commenter non plus le style rétro des cassettes tout joli tout rose qui ne fait que renforcer l’idée de glamourisation.

Le sensationnalisme

Mon deuxième gros problème avec la série, c’est le besoin constant de sensationnel, notamment à travers les scènes choquantes et le traitement faussé des maladies mentales.

J’ai vu et entendu beaucoup de personnes défendre l’approche de montrer la mort d’Hannah de façon graphique, comme elle est vue comme une tentative de déglamouriser le suicide, de montrer à quel point c’est douloureux. Sauf que c’est foireux pour deux raisons : premièrement, on ne peut pas simplement montrer à quel point le suicide est terrible en une scène alors qu’en parallèle, on a tout une logique construite au fil des épisodes qui nous démontre le contraire, comme dit plus haut. Deuxièmement, la scène du suicide montrée aussi explicitement et graphiquement (notamment avec la méthode utilisée) pourrait renforcer l’effet Werther, c’est-à-dire le lien entre un suicide médiatisé (ou des conduites suicidaires) et d’autres suicides similaires. Pour y ajouter mon expérience personnelle, comme dit plus haut, j’ai regardé la série pour la première fois à l’âge de 14 ans ; j’étais fragile, sûrement instable, mais pas suicidaire. Après l’avoir regardé, la série m’a au mieux conforté dans un mal-être préinstallé, au pire donné des idées. Et je ne pense pas que le fait de montrer dans les détails le suicide d’Hannah Baker n’y soit pour rien. Bien sûr, ce serait stupide de blâmer la série comme seule cause de l’augmentation du taux de suicide à partir de Avril 2017, mais ce serait une trop grosse coïncidence que le taux de suicide augmente subitement (on parle d’une augmentation de 29% après la première diffusion) après la sortie d’une série aussi populaire dont le thème principal est le suicide ? Je ne vais pas commenter la décision absolument stupide de retirer les images du suicide 2 ans après que tout le monde les ait vues et une fois toute la controverse passée, mais bon, c’est au moins ça ?

En dehors de cette scène, on a les viols de Hannah dans la saison 1 et de Tyler dans la saison 2 qui sont deux autres scène extrêmement choquantes. Etant donné qu’il n’y a pas de besoin de déglamouriser le viol puisque toute personne normalement constituée (et à priori l’écrasante majorité du public de 13 Reasons Why) ne penserait pas qu’il s’agit d’une bonne chose, c’est là qu’on comprend la seule utilité de ces scènes: le besoin de controverse dans une série vide qui apporterait une fausse profondeur grâce au côté sensationnel. Elles apportent aussi de la facilité scénaristique puisque non, un gars qui se barre quand tu lui non parce qu’en fait ça voulait dire oui ce n’est pas une raison de se suicider, et que pas grand monde aurait une immense compassion pour Tyler s’il ne s’était pas fait violer (leurs mots, pas les miens. Recherchez ce qu'a dit le producteur sur le concept d'empathie radicale en expliquant pourquoi avoir montré cette scène). Ceci dit, pour donner un peu de crédit à cette série, j’ai trouvé ça éclairé d’inclure le thème des hommes violés (avec Justin également dans la saison 4), même si tout autour est absolument maladroit au mieux.

Une autre façon de sensationnaliser la série : instrumentaliser les maladies mentales et les pousser au summum. Rien qu’en présentant les choses comme ça, on a déjà assez de raisons (je serais cynique si je disais qu’on en a plus que 13) pour trouver cette série détestable…. N’oublions pas qu'elle se prend au sérieux quand elle prétend sensibiliser aux maladies mentales et être totalement réaliste. Les maladies mentales sont traitées de façon terriblement irréalistes (je vous renvoie à cette vidéo très complète qui en parle mieux que moi), comme une simple façon de rajouter toujours plus de drama. Exemple : l’alcoolisme de Zach poussé à la caricature, en plus d’être simplement survolé. Outre les maladies mentales, on a le thème du SIDA avec Justin dans la dernière saison, bâclé au possible pour permettre encore un autre dénouement dramatique et peu fidèle à la réalité si j’en crois les avis d’experts que j’ai pu lire et mes cours de SVT de 4^e.

Des violeurs gentils

On en vient ensuite au troisième principal problème de la série qu’on retrouve surtout dans la saison 3 : Bryce et Monty qui sont deux violeurs mais ça va parce que l’un fait du yoga avec sa mère (je caricature à peine) et que l’autre est en fait un gay refoulé. On va donc me dire que je suis censée, en tant que spectatrice, éprouver de la compassion pour une raclure comme Bryce parce qu’il a bon fond, que sa vie n’a pas toujours été facile et qu’il est de toute manière mort ? Ca va de soi que les personnes qui ont commis des crimes atroces vont faire de bonnes choses au cours de leurs vies, mais ça ne fait pas d’eux moins des criminels (multirécidiviste dans le cas de Bryce, je le souligne), et ces criminels ne devraient pas non plus s’attendre à ce qu’une rédemption soit possible juste parce qu’il leur arrive de faire du bien autour d’eux. De même pour Monty, qui en plus n’éprouve absolument aucun remord et qui est à priori un cas perdu. Est-ce qu’on peut arrêter avec le cliché de l’homophobe qui en fait est un gay refoulé ? D’autant plus que ça n’est pas censé excuser quoi que ce soit, et encore moins quelque chose d’aussi grave qu’un viol. Je n’ai finalement pas grand-chose à dire sur ça, c’est simplement répugnant d’avoir laissé passer quelque chose d’aussi terrible quand on prétend vouloir sensibiliser à ces sujets. Le tout uniquement pour créer de la matière pour une troisième saison dont la série n’avait de toute manière pas besoin (à part pour créer de nouvelles controverses).

Malgré les trois gros problèmes que j’ai évoqué, on peut se dire que la série a finalement réussi sa mission, qu’on parle de ces sujets assez tabous, et que l’existence même de cette critique sans fin en est la preuve. Même si on ne peut pas lui retirer ça (et le fait même qu’elle aborde des thèmes risqués dans un premier temps), pour une série qui se veut ne serait-ce qu’informatrice, elle n’arrive même pas à remplir sa mission puisqu’elle diffuse de fausses informations, comme dit plus haut, et que le traitement des thèmes les plus sérieux fait du mal aux personnes directement concernées. C’est juste désolant pour une série pareille : si elle n’avait qu’une mission, ce serait de veiller à ça, et c’est raté.

***

Je vais à présent passer aux problèmes qui peuvent être considéré comme secondaires puisqu’ils sont moins graves moralement selon moi, mais une série fictive est avant tout du divertissement, et elle se casse la gueule sur plusieurs points de ce côté-là aussi.

Les personnages. Ugh. La caractérisation est terrible, quasiment nulle. La seule pseudo caractérisation qu’on a, c’est l’utilisation d’archétypes archi clichés vus et revus dans un les dramas lycéens américains. On a le cliché de la drama queen « pas aussi superficielle que les autres filles », des jocks, du geek qui se fait harceler, le cliché de la féministe extrémiste, le cliché de la fille gentille et populaire en fait pas si gentille, le cliché du punk… Les personnages n’ont absolument aucune individualité en dehors de ça, on a même pire : des personnages centraux qui n’ont rien pour eux. Je pense notamment à Alex, caractérisé presque exclusivement par sa tentative de suicide et par son homosexualité, et à Estrella dans la saison 4, tellement oubliable que je l’ai oublié avant de lire des résumés des épisodes (joli prénom ceci dit). Encore une fois, pour une série censée thématiser en grande partie la psychologie humaine complexe et profonde, c’est triste. Seule exception que j'ai relevé : j’ai trouvé que les scénaristes se sont bien rattrapés dans la saison 2 par rapport à la relation entre Hannah et Zach.

Pour la parenthèse, c'est la raison pour laquelle je considère qu'il était nécessaire de faire une saison 2 avec tous les points manqués dans la saison 1, pour éclaircir certaines choses et développer davantage certains personnages. Je considère que c'était raté en grande partie, mais au moins cette saison avait une utilité. Les saisons 3 et 4 ne sont que du remplissage. Il n'y avait plus rien à dire sur Hannah, ils l'ont donc fait passer au second plan (voire encore plus loin) et introduit une Hannah bis à la place pour profiter du succès de la série. Vous remarquerez par ailleurs que les synopsis sont de plus en plus courts au fil des saisons… 

Mais parce que tout navet quasiment irrécupérable a quand même ses trucs cools, je trouve le générique sympa, et l’OST est pas mal (gros gros cœur sur The Night We Met). Les flashbacks dans l’histoire sont bien faits avec une distinction claire au niveau scénaristique et technique, avec l’utilisation de palettes de couleurs différentes, de cicatrices et de coupes de cheveux… Même les transitions passé/présent sont bien gérées, c’était agréable à voir. Les performances des acteurs sont plutôt bonnes, et pour ce qui leur a sûrement été donné à la base pour jouer leur personnages, c'était pas gagné.

Conclusion

On ne peut pas nier que la série avait un très grand potentiel ; elle se voulait novatrice en osant toucher à des sujets à des sujets graves que d'autres séries n'osaient pas aborder (et c’était une très bonne idée), mais le traitement a toute son importance et celui-ci est catastrophique dans 13 Reasons Why. Pour résumer cette série rapidement, on a une trame simple, une histoire et des personnages superficiels, utilisés pour aborder des thèmes compliqués qui en plus sont très mal traités.

Petit partage bonus: J’ai vu un commentaire quelque part qui décrivait 13 Reasons Why en disant que cette série est aux maladies mentales ce que 50 Shades of Gray est au BDSM, j'ai trouvé ça drôle.

Je ne sais même pas quelle note donner...

Note finale: 2/10 ?

N'hésitez pas à laisser un petit commentaire pour me dire si vous êtes d'accord avec ce que j'avance :)

On se retrouve la semaine prochaine pour une critique de l’album d’Amy Winehouse Back To Black, et qui sera moins longue (promis !)

Prenez soin de vous !

Alrie.